INTRODUCTION
Le terme de médecine nucléaire recouvre les utilisations
biologiques et médicales des radioéléments
artificiels en sources non scellées. Ceci donne lieu à
des applications en imagerie, mais aussi en thérapie. On
parle alors de radiothérapie métabolique, pratique
différente de la radiothérapie externe, et bien
souvent complémentaire.
En imagerie, la médecine nucléaire est également
complémentaire des autres techniques qui utilisent des
radioéléments ionisants (radiologie, scanographie...)
ou non (échographie, imagerie par résonance magnétique
nucléaire..).
Ses applications, très diverses, se sont développées
depuis Ies années 1950. Elles reposent sur la possibilité
de détecter avec une très grande sensibilité
les rayonnements émis par les atomes radioactifs d'isotopes
choisis pour leurs propriétés métaboliques
et/ou physiopathologiques.
En effet, le radioélément est introduit par voie
veineuse (le plus souvent) dans l'organisme d'un patient. Le produit
seul ou associé à un vecteur à tropisme prédéterminé
pour un organe ou une pathologie (il est appelé radio-pharmaceutique)
est suivi par détection externe et donne la possibilité
d'enregistrer sa distribution, sa concentration et son élimination,
- sans autre nécessité que son administration, indolore
et non invasive - par un système de détection approprié,
la gamma-caméra.
Nous allons voir successivement les radioéléments
choisis et les systèmes d'enregistrement depuis leur invention
jusqu'aux appareils très sophistiqués d'aujourd'hui.
Nous donnerons alors les principales applications de cette technique
encore en pleine évolution.
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1. LES TRACEURS
L'intérêt de l'isotope radioactif d'un élément
déterminé est de présenter les mêmes
propriétés chimiques que celui-ci, mais d'émettre
des rayonnements du fait du caractère instable de son noyau.
Prenons l'exemple de l'iode, élément fondamental
dans le métabolisme.
L'iode naturel (127I) est consommé par l'organisme
pour synthétiser les hormones thyroïdiennes, garant
de notre équilibre métabolique. Il est facile d'imaginer
les avantages que l'on a d'utiliser un des isotopes radioactifs
de cet élément pour explorer le corps humain.
Il existe plusieurs isotopes de l'iode utilisables en médecine
nucléaire. Ce sont les isotopes 123, 125 et 131. Tous sont
émetteurs de rayonnement gamma, mais ils ne sont pas utilisés
de la même façon. L'iode 125 émet un rayonnement
de basse énergie (30 KeV) et a une période physique
longue (deux mois) ; il ne sera utilisé que pour la biologie.
L'iode 123 émet un rayonnement gamma de 159 KeV, entres
autres, très favorable à la détection, et
a une période physique courte, de 13 heures. Il sera donc
privilégié pour l'imagerie, malgré son coût
élevé, lié à sa production par cyclotron.
L'iode 131 est émetteur gamma, mais aussi bêta. La
période physique de 8 jours et l'émission bêta
le rendent très favorable à une utilisation thérapeutique.
Son rayonnement gamma très énergétique à
365 KeV, fait que l'on peut le choisir pour certaines applications
d'imagerie, associé à un vecteur métabolisé
lentement par certains organes (la surrénale, par exemple).
Cet élément montre bien quels sont les avantages
et les contraintes qui décident du choix des radioéléments
et de leurs vecteurs. Il y a d'abord leur tolérance dans
le corps humain : ils sont non toxiques, le reflet d'un métabolisme,
ou au moins, passifs et éliminés sans autre interaction
physiologique.
Ils doivent, de plus, être émetteurs gamma, purs
si possible, et avoir une demi-vie courte, de l'ordre de quelques
heures à quelques jours.
Les principaux radioéléments utilisés en
pratique sont le 99mTc (technétium 99 métastable),
le 201Tl (thallium 201), le 67Ga (gallium
67), le 111In (indium 111), l’iode etc., et plus
récemment, en routine clinique, le Fluor 18. C'est cependant
le 99mTc , élément artificiel, fils du
99Mo (molybdène 99), qui présente les
meilleures caractéristiques pour l'utilisation en médecine
: période physique courte (6 h), émission gamma
unique (140 KeV) et propriétés chimiques idéales
pour de nombreux marquages.
Actuellement c'est le 18F (fluor 18) qui représente
l'élément phare de la spécialité (période
physique de 2 h), Il fait partie d'un ensemble de radioéléments
intéressants car issus de cyclotron, avec une période
physique très courte à courte (quelques secondes
à très peu d'heures). Ce sont : 15O (oxygène
15), 11C (carbone 11), 13N (azote 13), 18F
(fluor 18), pour les petits éléments et quelques
isotopes émetteurs bêta+ d'éléments
encore légers. Issus de réactions nucléaires
dans un cyclotron médical, ils sont utilisés après
substitution à leur isotope stable de molécules
physiologiques telles que CO2, H20. NH3,
mais aussi d'autres métabolites importants dans l'organisme
comme les hormones, les médiateurs cellulaires et leurs
précurseurs, et bien d'autres supports du métabolisme.
Si presque tous sont encore utilisés en recherches fondamentale
et appliquée, comme c'est le cas dans le Service Hospitalier
Frédéric Joliot à Orsay (département
des applications médicales du CEA), on commence à
utiliser dans les services de médecine nucléaire
le 18F associé au glucose, dans le FDG. Véritable
témoin quantitatif de la consommation en sucre des cellules
vivantes, il a une utilisation quotidienne (ou presque) dans une
seule application autorisée, la cancérologie, avec
des détecteurs appropriés et connus sous le nom
en franglais de PETSCAN. Il est bien sûr utile dans beaucoup
d'autres applications. Il est émetteur bêta+, (ou
émetteur de positon) et donc représente un tout
autre domaine de la médecine nucléaire "classique"
comme elle a été présentée précédemment.
L'augmentation des autorisations et des implantations de ces matériels
actuellement rend compte du dynamisme et de l'ouverture de la
spécialité vers toutes les applications des explorations
fonctionnelles de l'homme.
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2. LES MACHINES
Les détecteurs utilisés actuellement fonctionnent
toujours sur le principe de la caméra décrite par
ANGER en 1952. Les gamma-caméras ont été progressivement
améliorées pour conduire aux applications cliniques.
Elles sont actuellement numérisées, dotées
de système d'acquisition tomographique, et leurs logiciels
sont particulièrement performants. Les caméras à
positons (PETSCAN), apportent sur le marché des conceptions
et des performances nouvelles que nous verrons plus loin.
Le milieu détecteur est un monocristal d'iodure de sodium
activé au thallium, de grande taille. Il lui est adjoint
un collimateur, adapté à l'énergie du rayonnement
gamma et au type d'imagerie à réaliser, qui a pour
effet d'éliminer Ies photons issus de la diffusion Compton.
Du fait d'une grande variété d'acquisitions, il existe
un grand nombre de collimateurs, tel un appareil photographique
et ses différents objectifs. Les photons reçus par
le cristal constituent une image qui est une projection plane de
la radioactivité située en regard (dans le patient).
Chaque photon voit son énergie absorbée, transformée
en photons d'énergie lumineuse, eux-mêmes convertis
en un faisceau d'électrons (énergie électrique
qui constitue le signal) par les photomultiplicateurs (PM) placés
contre le cristal. Le système est conçu pour restituer
dans ses coordonnées et en intensité le nombre de
photons issus de l'organe ainsi imagé. La scintigraphie est
donc le document réalisé, avec ou sans numérisation.
L'ensemble des données est cependant transféré
maintenant à un ordinateur qui traite les données
de façon quasi instantanée.
La caméra à scintillations a bénéficié
des performances techniques des scanners radiologiques, et ceux-ci
ont gagné dans le traitement des images grâce aux conceptions
des logiciels de la médecine nucléaire. Les systèmes
de détection actuels sont complétés par des
innovations technologiques : numérisation PM par PM, correction
d'atténuation, angulation variable, multi-détecteurs,
amélioration de la résolution, etc. La caméra
de type ANGER a cependant été conçue dès
le début pour la détection du 99mTc, qui
est apparu comme elle au début des années 1960. Elle
arrive maintenant aux limites de l'utilisation de ses performances.
Une nouvelle génération de gamma-caméra est
actuellement proposée, basée sur l'utilisation des
semi-conducteurs. C'est en fait une nouvelle structure de détection
qui a peu de chose en commun avec la caméra de ANGER. Elle
est conçue sur le principe d'une structure de caméra
à pixels, c'est-à-dire une matrice de détecteurs
indépendants, chaque détecteur représentant
un point de l'image. De cette façon chaque détecteur
est relié à une voie électronique qui traite
le signal issu de l'interaction d'un photon gamma et peut en mesurer
l'énergie. La matrice du détecteur peut être
réalisée par l'association de petits cubes élémentaires
de CdTe. D'autres sortes de détecteurs sont aussi à
l'essai ou en développement chez différents constructeurs
proposant des cristaux de CdZnTe, de LSO, de BGO, etc. ce qui laisse
ouverte la succession de la gamma-caméra classique.
Les caméras à positons présentent la caractéristique
de détecter les photons d'énergie 511 KeV, issus de
l'annihilation du positon avec un électron. Il n'est pas
nécessaire d'avoir un collimateur du fait d'une énergie
unique, mais la valeur élevée de cette énergie
demande une conception différente de la détection.
Ce sont donc les semi-conducteurs qui sont utilisés, des
détecteurs élémentaires associés sur
une couronne, et une détection en stricte coïncidence.
Il existe deux grandes familles de caméra à positons
: celles qui sont dédiées PET, et celles qui associent
une autre technique d'imagerie, scanner X ou IRM, permettant la
fusion des images. Ceci permet d'associer l'imagerie anatomique
radiologique avec l'imagerie fonctionnelle de la médecine
nucléaire sur un même document. Ce sont ces PETSCAN
qui préfigurent les machines d'imagerie médicale de
demain, et même d'aujourd'hui puisqu'elles représentent
la quasi-totalité des ventes actuelles dans ce domaine.
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3. LES APPLICATIONS
Les examens de médecine nucléaire sont
demandés quand une pathologie fonctionnelle est suspectée.
Ils sont toujours complémentaires d'une autre approche de
l'organisme : clinique, radiologique ou biologique. Différents
traceurs associés aux vecteurs appropriés permettent
l'analyse qualitative et souvent quantitative de l'étude.
Les applications touchent presque toutes les pathologies mais les
grands domaines sont la cardiologie, la pathologie ostéo-articulaire,
la pneumologie, la cancérologie, etc.
Si les caméras arrivent au maximum de leurs performances,
ce sont les nouveaux traceurs qui permettent de progresser encore
dans cette imagerie fonctionnelle.
Le PETSCAN est disponible dans quelques dizaines de centres de médecine
nucléaire, sur l'ensemble du territoire. C'est à l'évidence
la technique la plus prometteuse, en association avec le scanner
X. Le seul domaine autorisé, pour le moment, est celui de
la cancérologie, avec le seul traceur disponible : le FDG
(fluoro-déoxy-glucose marqué au 18F), traceur
du métabolisme cellulaire et de ses perturbations. Il existe
beaucoup d'autres applications potentielles, en neurologie, en cardiologie
et surtout beaucoup de molécules à venir. De même,
d'autres émetteurs bêta+ sont actuellement à
l'étude, et disponibles si leur période physique,
en général très courte, permet leur distribution
en milieu médical.
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4. CONCLUSION
La médecine nucléaire est donc une technique
d'imagerie importante parmi les examens complémentaires demandés
par les cliniciens, afin de contribuer au diagnostic de façon
non invasive, de suivre l'évolution après traitement,
et surtout d'apprécier très vite l'efficacité
de ceux-ci, bien avant l'apparition des modifications anatomiques.
Les limitations inhérentes au principe de la machine sont
en partie levées par l'association informatique de la scintigraphie
aux résultats radiologiques, obtenus dans le même temps
d'acquisition, grâce aux machines mixtes actuellement développées.
Il est vrai que toutes utilisent des rayonnements ionisants mais
les doses d'irradiation délivrées sont faibles, bien
connues et acceptables pour le patient. L'avantage réside
surtout dans la capacité de ces techniques à limiter
le nombre des autres examens, coûteux également, d'aider
au choix thérapeutique, et d'en apprécier l'efficacité
très rapidement, de modifier l'arbre décisionnel du
traitement, dans une pratique qui ne nécessite pas d'hospitalisation.
Ceci contribue aussi à la limitation des coûts de la
santé, même si les produits, les machines et les examens
sont encore onéreux.
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