LA RADIOTHÉRAPIE

Professeur GRALL
Introduction
1. LA RADIOTHERAPIE EXTERNE
2. LA CURIETHERAPIE
3. LA RADIOTHERAPIE VECTORISEE
4. LES RISQUES
5. EN CONCLUSION
6. tableau récapitulatif extrait du livre « Biophysique » des éditions Omniscience – 2006
 


Introduction

Le principe de la radiothérapie est simple et a été décrit peu de temps après la découverte des rayons X par Röntgen et celle de la radioactivité par Pierre et Marie Curie associés à Becquerel. Il consiste à se servir de la capacité destructrice des rayonnements ionisants sur les cellules vivantes, quelle que soit leur origine, atomique (RX) nucléaire ou provenant d’accélérateurs de particules. L’application principale est évidemment le traitement des cancers.

Le principal problème né de l’utilisation des rayons ou des particules consiste à détruire le maximum de cellules tumorales en conservant aussi intactes que possible les cellules saines du reste du corps. On y est heureusement aidé par la caractéristique principale des cellules tumorales, leur considérable capacité de reproduction qui les rend par là même généralement plus « radiosensibles » que les cellules normales

Tout le travail du radiothérapeute consistera donc à définir la meilleure stratégie susceptible d’irradier le plus efficacement possible la tumeur en épargnant les autres tissus de l’organisme. Les techniques thérapeutiques évoluent rapidement dans ce domaine mais on distingue actuellement trois voies principales d’action (voir en fin de document le tableau récapitulatif extrait du livre « Biophysique » des éditions Omniscience – 2006) :


1. LA RADIOTHERAPIE EXTERNE
 

Elle utilise des sources extérieures au patient, générateurs de rayons X, sources radioactives émettant des photons gamma (« bombe » au cobalt 60 par exemple) ou accélérateurs de particules. Dans ce cas, sauf cancer superficiel, les rayonnements vont traverser une partie du corps avant de pénétrer dans la tumeur. Divers artifices (sources se déplaçant autour du corps, écrans de plomb mobiles télécommandés, absorption sélective de certains rayonnements en fonction de la profondeur) permettent d’obtenir une télé radiothérapie « conformationnelle » délivrant une dose maximale dans la tumeur et minimale autour. L’aide d’une imagerie de pointe permettant de délimiter au mieux les contours de la tumeur s’avère ici indispensable.

L’échelonnement dans le temps des séances d’irradiation est aussi déterminé pour obtenir l’effet maximal. L’ensemble des moyens techniques disponibles est mis au service d’une « planification dosimétrique » aussi précise que possible, mettant en jeu des calculs trop complexes pour être détaillés ici. Le rôle du radio physicien et du spécialiste en dosimétrie est prépondérant et consiste à définir un plan de traitement personnalisé et optimisé dans chaque cas comme à vérifier le bon fonctionnement des machines et de l’informatique associée (nous reviendrons plus loin sur les problèmes liés aux erreurs éventuelles).


2. LA CURIETHERAPIE

Au départ, ce terme recouvrait tous les usages des radionucléides à but curatif. Il correspond actuellement au seul emploi de sources scellées irradiant les lésions à courte distance. Limitée dans les débuts au radium 226, puis à l’or 198, son utilisation s’est diversifiée avec divers corps radioactifs comme l’iridium 192, le strontium 90, le ruthénium 106, etc. Les sources sont soit introduites dans les cavités naturelles du corps pendant un temps déterminé, soit placées à l’intérieur d’un organe par voie chirurgicale sous contrôle radiographique. Ces techniques peuvent être combinées avec une irradiation par voie externe comme celles décrites ci-dessus et à nouveau, les calculs dosimétriques revêtent évidemment une grande importance, malgré les difficultés considérables qu’ils présentent (détermination précise de la position des sources, hétérogénéité des tissus irradiés, etc.).


3. LA RADIOTHERAPIE VECTORISEE

Elle consiste à utiliser un atome radioactif, choisi pour son type d’émission, éventuellement combiné à une molécule porteuse («vecteur») qui va se concentrer dans la lésion visée ou à son voisinage immédiat, si l’affinité du corps radioactif pour ces tissus n’est pas suffisante. On dispose ainsi d’une sorte de « missile » qui va porter la destruction dans une zone bien déterminée, pendant un temps dépendant de la période « effective » du corps radioactif choisi (différente et plus courte que la période radioactive « physique » car combinée à l’élimination physiologique du produit). Les résultats obtenus dépendront aussi de l’énergie des rayonnements émis et de leurs parcours dans l’organisme. On parle aussi à ce moment de « radiothérapie métabolique », les corps radioactifs et/ou leurs vecteurs venant participer au métabolisme normal de l’organisme tout en jouant leur rôle thérapeutique par l’émission de rayonnements spécifiques.

La dosimétrie réclame ici aussi des calculs précis et délicats qui sont toujours du ressort des spécialistes dûment formés. Plusieurs applications ont vu le jour et d’autres sont prometteuses. Citons par exemple parmi les plus couramment utilisés le traitement des tumeurs thyroïdiennes par l’iode radioactif et l’emploi du strontium dans les métastases osseuses hyperalgiques. Selon la nature du radio-isotope utilisé et la pénétration des rayonnements qu’il produit (rayons gamma), le traitement peut nécessiter un séjour du patient (devenu lui-même et pour un temps limité une source radioactive) en chambre radio protégée avec recueil des effluents. De plus, au moment du retour à son domicile, des consignes simples de radioprotection sont toujours fournies au malade (par exemple éviter les contacts trop prolongés avec les enfants, dormir seul dans une chambre, etc.).


4. LES RISQUES
 

Il n’est évidemment pas anodin d’irradier fortement un être vivant et le risque (bien que faible) d’induire dans l’avenir une tumeur secondaire existe en radiothérapie. Mais faudrait-il se priver d’un outil puissant, susceptible d’apporter une large amélioration, voire la guérison d’une affection mortelle à brève échéance, en contrepartie d’une possibilité, minime et d’ailleurs aléatoire, de survenue d’une nouvelle tumeur plusieurs années ou plusieurs dizaines d’années après l’irradiation ? Il subsiste qu’une radiothérapie ne peut être entreprise en dehors d’un travail d’équipe, indispensable pour choisir, dans chaque cas particulier, la meilleure stratégie possible pour un patient déterminé (éventuellement en association avec les autres thérapeutiques anti-cancéreuses, chirurgie ou chimiothérapie par exemple). Aux USA, l’utilisation de chaque appareillage exige la présence d’un médecin, d’un manipulateur, d’une infirmière et d’un physicien ayant reçu une formation complète en dosimétrie humaine.

Reste le cas malheureux, que nous devons évoquer, des erreurs possibles en cours de traitement. Deux accidents graves se sont produits récemment en France, Epinal en 2003/2004, Toulouse en 2007 qui ont entraîné des décès ou des incapacités très pénalisantes. Une enquête approfondie (non encore terminée) est réalisée par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) associée à la Haute Autorité de Santé (HAS), l’IRSN, l’AFSSAPS, etc
.

Il ressort clairement des premiers éléments qui ont été rapportés qu’il s’est agi à chaque fois de défaillances humaines et organisationnelles, le principe même du traitement n’ayant pas été remis en cause. Sans attendre les conclusions définitives, une série de mesures ont été instaurées : déclaration des incidents, estimés sur une échelle de gravité de 8 niveaux (ASN/SFRO), amélioration de la dosimétrie « in vivo », inspection régulière des centres de radiothérapie, publics et privés, évaluation du niveau de formation des personnels, coordination avec les industriels pour l’adaptation des logiciels, etc. Ces mesures, efficaces, n’auront évidemment d’effet que progressivement, surtout si on considère l’insuffisance actuelle du personnel (un déficit d’une centaine de postes au moins).

Les troubles graves infligés à un patient venu se faire traiter en toute confiance, voire son décès, sont intolérables, il faut le dire. En tirer les conséquences, toutes les conséquences, s’imposait : des sanctions administratives ont déjà été prises, les sanctions pénales suivront, après jugement. Des mesures d’urgence et d’autres destinées à faire évoluer la situation en profondeur ont été décidées, comme on l’a vu ci-dessus, et couvrent un large éventail : en effet, un accident n’est jamais dû à une seule cause mais à la succession de plusieurs qui s’enchaînent pour le provoquer. C’est ce qu’en analyse de sécurité, on nomme « l’arbre des faits » : une telle analyse amène à en tirer les actions correctives, afin qu’un tel accident ne se produise plus. Il faut simplement se rappeler que dans toute œuvre humaine, la sécurité à 100% n’existe pas, même s’il est souhaitable de s’en rapprocher le plus possible.


5. EN CONCLUSION  

Il ne faudrait donc pas que ces tristes évènements fassent croire qu’une séance de radiothérapie présente à tous les coups des dangers importants et mal contrôlés, au point que des malades soient conduits à refuser des soins dont l’efficacité, quand ils sont bien menés, n’a plus à être démontrée. Les accidents sont tout de même rarissimes par rapport au nombre de traitements effectués, même si leur retentissement médiatique est à juste titre considérable. 200.000 cancers ont été traités en 2006 par radiothérapie, souvent associée à la chimiothérapie et à la chirurgie, avec en moyenne 50% de guérison ou d’amélioration prolongée (et dans certains cas de cancers comme ceux de la sphère ORL, 85 et même 90% de succès !)

C’est dire que, malgré les quelques accidents survenus (si déplorables et même catastrophiques soient-ils), on peut affirmer que l’utilisation des rayonnements a permis à plusieurs millions de personnes dans le monde (on a avancé le chiffre de 10 millions) de connaître soit la guérison, soit une rémission importante de troubles autrefois mortels à brève échéance.


6. tableau récapitulatif
 

 
Radiothérapie
vectorisée
Curiethérapie
Radiothérapie externe
Spécialité médicale Médecine nucléaire Radiothérapie Radiothérapie
Sources d’irradiation Radioactives non scellées
Radioactives scellées Externes scellées
Mode habituel Ambulatoire ou hospitalisation
Hospitalisation Ambulatoire
Type de
rayonnement
b- ou g (a) g ou b X, g, électrons, particules lourdes
Tableau extrait du livre « Biophysique » des éditions Omniscience (2006) : p. 982

 

Pour en savoir plus :

Chapitre 26 du livre « Biophysique » cité ci-dessus : « Les effets déterministes des rayonnements ionisants : radiopathologie et radiothérapie » : pp. 975 à 1005

« N’oublions pas demain : mémoires » par M. Tubiana – Editions de Fallois – Paris 2007

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