1. INTRODUCTION
Dans le cadre de la politique de dissuasion nucléaire de la
France, le CEA est chargé de la conception, de la fabrication,
du maintien en condition opérationnelle et du démantèlement
des têtes nucléaires. Après l’arrêt
définitif des essais nucléaires, il a pour mission de
garantir à la France la pérennité de sa capacité
de dissuasion en s’appuyant sur un programme de simulation.
|
2. LA FIN DES ESSAIS NUCLEAIRES 
Depuis le 13 février 1960 jusqu’en 1992, la France a réalisé
204 expérimentations nucléaires : au Sahara jusqu’en 1962
puis sur les atolls de Mururoa et Fangataufa.
En 1995, le Président de la République, J. CHIRAC, a pris la décision
d’arrêter définitivement les essais nucléaires français
après une ultime campagne qui s’est déroulée de septembre
1995 à janvier 1996.
Il a également redéfini les moyens de la dissuasion nucléaire
pour les adapter au contexte géopolitique international en respectant le
principe de stricte suffisance, ce qui s’est traduit par :
• le seul maintien des composantes océanique
et aéroportée
• l’arrêt de la production de matières
fissiles (anticipée pour le plutonium de 1993) et le démantèlement
des installations de productions associées
• la signature et la ratification du traité
d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE)
• le démantèlement du Centre d’Expérimentation
du Pacifique.
• le programme de simulation
|
3. COMMENT GARANTIR LE FONCTIONNEMENT DES
ARMES FUTURES SANS LES ESSAIS NUCLEAIRES ? 
Le fonctionnement et la sûreté des armes en service (TN75
et TN81) sont garantis par les essais nucléaires qui ont conduit
à les mettre au point. Mais ces armes vieillissent du seul
fait de l’évolution naturelle des matériaux nucléaires
qui les composent. Leur durée de vie est donc limitée
et leur renouvellement est nécessaire pour assurer la continuité
de la dissuasion.
En l’absence d’expérimentations en vraie grandeur,
la stratégie de renouvellement des armes a été
bâtie en partant de l’absolue nécessité
de se donner des moyens de garantir leur fonctionnement et leur sûreté.
Cette stratégie repose sur trois éléments :
• Le concept des charges robustes dont
l’intérêt réside en un fonctionnement peu
sensible aux variations technologiques et qui a été
testé lors de l’ultime campagne d’essais nucléaires
• la validation des écarts dus
à la militarisation des charges nucléaires ainsi conçues
ou susceptibles d’apparaître au cours de la vie opérationnelle
de l’arme. Cette validation sera faite grâce à
la simulation.
• la formation et la certification des
nouvelles équipes qui n’auront pas connu les essais nucléaires.
La simulation consiste à reproduire par le calcul les différentes
phases du fonctionnement d’une arme nucléaire. Pour atteindre
cet objectif, le programme Simulation a été construit
autour de trois volets : la modélisation des phénomènes
physiques, la simulation sur ordinateur et la validation expérimentale.
Tant qu’il était possible de réaliser des essais, on pouvait
admettre un certain empirisme des modèles physiques et numériques
décrivant le fonctionnement de l’arme. Cela n’est plus possible
maintenant. Il faut donc mettre au point des modèles prédictifs
représentant plus finement tous les phénomènes mis en jeu
afin d’en évaluer précisément les conséquences.
Il faut disposer ensuite de codes numériques permettant la prise en compte
de ces modèles. Leur utilisation nécessite des ordinateurs de plus
en plus puissants tant en taille mémoire qu’en rapidité de
calcul. Le programme d’acquisition de super calculateurs de type TERA
répond à ce besoin.
La validation de ces logiciels ne peut se faire qu’avec de
nouvelles installations expérimentales permettant :
• des mesures beaucoup plus précises
qu’auparavant
• d’aborder en laboratoire des
phénomènes physiques qu’il n’était
possible d’étudier que très indirectement à
travers les essais nucléaires.
Les deux outils expérimentaux majeurs du programme Simulation
sont la machine radiographique AIRIX et le laser Mégajoule.
La validation de la chaîne de calcul dans sa globalité
sera réalisée grâce à la réinterprétation
des essais nucléaires passés.
|
4. LES OUTILS DE LA SIMULATION 
AIRIX (Accélérateur à Induction
de Radiographie pour l’Imagerie X)
AIRIX est une machine radiographique, installée à Moronvilliers
en Champagne, qui a pour mission de valider les modèles relatifs à
la phase de mise en condition par explosif chimique (pyrotechnique + hydrodynamique).
Les expériences sont réalisées en remplaçant les matériaux
nucléaires par des matériaux inertes aux comportements mécaniques
et thermiques très proches. Pour cela AIRIX génère des rayons
X extrêmement pénétrants (50000 fois la puissance d’une
radio pulmonaire) qui permettent d’obtenir des radiographies, d’une
grande finesse spatiale et temporelle, de la matière en cours de compression.
LMJ (Laser Mégajoule)
Le LMJ, en cours de construction au CESTA, sera indispensable pour
simuler le fonctionnement nucléaire de l’arme. Il est
dimensionné pour que l’énergie apportée
par les faisceaux laser conduise à la fusion de quelques milligrammes
d’un mélange de deutérium-tritium. Il permettra
d’atteindre en laboratoire des conditions thermodynamiques (densité,
pression, température) extrêmes, similaires à
celles rencontrées lors du fonctionnement nucléaire
de l’arme.
Trois types d’expériences seront réalisables au
LMJ :
• Les expériences de mesures de données de
base : indispensables, elles visent à acquérir des
données qui valideront les modèles de matière
(équations d’état sous choc, opacités spectrales,
lois de comportement des solides)
• Les expériences de validation par parties :
chacune des expériences met en œuvre un seul des phénomènes
physiques intervenant dans le fonctionnement de l’arme.
• Les expériences globales : elles mettent en
œuvre plusieurs phénomènes interagissant entre
eux : cela permet d’évaluer l’outil de simulation
dans sa totalité.
Le LMJ permettra de valider à la fois les modèles et
les logiciels utilisés dans la simulation numérique
ainsi que les compétences des physiciens chargés d’apporter
la garantie de fonctionnement de l’arme.
Il pourra comporter jusqu’à 240 faisceaux laser, d’une puissance
totale de 500 Terawatts, qui concentreront 1,8 millions de Joules en quelques
milliardièmes de seconde sur une cible de taille millimétrique pour
produire la fusion du deutérium-tritium.
TERA
Le super calculateur TERA est au centre du programme de simulation : il doit permettre
de reproduire par le calcul les différentes étapes du fonctionnement
d’une arme nucléaire. La modélisation permet notamment d’accéder
au calcul des énergies mises en jeu, des déformations des matériaux,
des phénomènes de turbulence, des rayonnements induits.
Améliorer la capacité de prédiction des modèles nécessite
une description informatique encore plus fidèle de la géométrie
et de l’environnement de l’arme. Tout ceci concourt à un besoin
d’utilisation en routine de logiciels tridimensionnels qui vont demander
beaucoup plus de temps et de puissance de calcul.
Le programme prévoit l’acquisition de 3 calculateurs :
- TERA , en 2001 , constitué de 640 ordinateurs ( Hewlett Packard , américains)
de puissance totale 5 Teraflops ( 1Teraflop=1000 milliards d’opérations
flottantes par seconde)
- TERA-10 , acheté en 2005 , constitué de 8000 processeurs de puissance
totale 62 Teraflops et fabriqué par BULL
- TERA-100 , prévu en 2010 , d’une puissance prévue > 500
Teraflops
|
5. CONCLUSION 
Pour assurer la pérennité de la dissuasion nucléaire
française en l’absence de nouveaux essais, le CEA a mis
en place un programme de simulation basé sur des moyens d’expérimentation,
LMJ et AIRIX en particulier, associés à des moyens de
calculs scientifiques parmi les plus performants actuellement dans
le monde.
Le laser Mégajoule et son prototype, la LIL, ainsi que le superordinateur
TERA constituent des réalisations exceptionnelles à la fois par
leurs caractéristiques techniques et par leurs performances. Conformément
à la politique d’ouverture approuvée en 2001 par le ministère
de la Défense, ils seront mis à la disposition de la communauté
scientifique. Cette ouverture est effective :
- chaque année une campagne de 2 mois d’expériences sur la
LIL pour les universitaires
- à côté de TERA-10 un centre de calcul ouvert, qui appartient
au CEA et des industriels et qui dispose d’une puissance de 40 Teraflops
- participation aux pôles de compétitivité avec :
- la Route des lasers à Bordeaux
- Systematic en région parisienne , qui prépare la technologie pour
TERA-100
Cette ouverture permet l’évaluation scientifique extérieure
et favorise l’échange des connaissances. Elle contribue ainsi à
la crédibilité des travaux menés à la DAM.
**********************************
|
|