L'énergie, un paramètre stratégique de notre niveau de vie
Par Gérard Martin
L'accès à une énergie bon marché est une clé des plus importantes du développement économique d’un pays.
Les courbes de longévité des êtres humains et celle de leur consommation énergétique vont dans le même sens, que ce soit au plan historique ou géopolitique. Pour la France, un seul chiffre situe le niveau de l’enjeu : sa facture énergétique annuelle (importations de pétrole, gaz et charbon) représente 60 milliards d’euros à comparer avec un déficit commercial de 75 milliards d’euros, c’est dire l’impact économique considérable du volet énergétique, il n’est donc pas inutile que l’on s’y attarde.
Les moyens pour produire de l’énergie sont de nature et de puissance très diverses. De la force des êtres humains puis du feu et des animaux utilisés au début du néolithique à aujourd’hui, de très nombreuses voies ont été explorées et ont été à la base des grandes révolutions industrielles comme le charbon et le pétrole.
Chaque pays dispose des ressources de son sous-sol, mais aussi de ses capacités industrielles à valoriser la production énergétique. Il n’y a donc pas de solution commune à l’ensemble des états. Pour s’en tenir à l’Europe, certains ont un sous-sol qui recèle un peu de pétrole, du gaz (Norvège pour le gaz conventionnel, ou Pologne et France pour ce qui concerne les gaz de «schistes» (géologiquement roche mère) dont l’exploitation éventuelle est aujourd’hui très controversée) ou du charbon (Allemagne, Danemark) d’autres bénéficient sur leur sol de grandes étendues boisées ou de larges possibilités d’utiliser la grande hydraulique (Suède, France).
Quant à l’uranium, il est présent un peu partout mais son extraction en Europe n’est pas rentable aujourd’hui par rapport aux gisements où il est très concentré, en particulier au Canada et en Australie.
Enfin chaque pays dispose des ressources procurées par le vent, le soleil, la géothermie et pour certains d’un large domaine maritime avec les ressources des marées, des courants, des vagues et de l’éolien offshore.
La donne n’est donc pas la même pour tous les Etats Européens, chacun doit donc élaborer son mix énergétique (c'est-à-dire la part qu’il réserve à chaque énergie dans sa consommation énergétique totale) en fonction de ses ressources propres et non en calquant les solutions retenues par d’autres Etats. Une politique énergétique Européenne avec convergence des moyens utilisés par les Etats est donc très difficile sinon impossible à élaborer. Par contre il est possible de se fixer des objectifs communs par exemple une diminution des rejets atmosphériques de carbone, alors que aujourd’hui, l’Europe a légiféré sur les moyens à utiliser (23 % d’énergie d’origine renouvelable imposé pour l'électricité) et non sur le but à atteindre qui est de diminuer les rejets atmosphériques de gaz à effet de serre qui peuvent représenter un risque climatique majeur pour la planète.
Les ressources énergétiques sont soit utilisées directement (pétrole majoritaire dans les transports terrestres ou aériens, gaz dans le secteur domestique) soit par l’intermédiaire de l’électricité dont les utilisations sont alors multiples. Ayant eu la chance de connaître plusieurs sources d’énergie, dont les renouvelables, appelées énergies nouvelles lors du second choc pétrolier de 1979, cela m’a conduit à distinguer deux catégories principales de ressources énergétiques:
Les énergies diluées renouvelables
Ces énergies sont mises à disposition gratuitement par la nature mais il faut arriver à les capter à un coût raisonnable, ce sont: le soleil, le vent, les marées, vagues et courants. Ces ressources existent en très grande quantité, elles sont inépuisables mais leur puissance spécifique disponible étant faible, leur captation est économiquement difficile. Par ailleurs, elles ont souvent un caractère aléatoire, c'est-à-dire qu’elles peuvent être absentes quand le besoin d'électricité est là (heures de pointe).
Les énergies concentrées
Elles ont été concentrées gratuitement par la nature pendant des centaines de millions d’années (pétrole, charbon, gaz, uranium) ou par la gravité (grande hydraulique). Étant déjà concentrées, leur coût de captation est généralement peu onéreux mais augmentera pour certaines avec leur raréfaction. Leur disponibilité est totale mais limitée dans le temps à 50-100 ans pour le pétrole, le gaz et l'uranium 235, 200 pour le charbon et les gaz non conventionnels tels les gaz de «schistes» ou de houille, voir plus de 1 000 ans pour l’uranium 238 ou le thorium 232.
La courbe ci-après montre l’écart considérable entre les puissances mises en œuvre par des énergies concentrées et celles des énergies diffuses ou diluées.
Il n’est pas pris en compte les possibilités encore plus importantes de la fusion nucléaire (prototype ITER en cours de construction à Cadarache) car ce moyen ne peut guère arriver à maturité (réussir l’allumage, sortir l’énergie produite avec un coût économiquement viable) avant le siècle prochain.
Pour pouvoir comparer des productions énergétiques aussi variées, il est souvent fait référence au pétrole en utilisant la tonne équivalent pétrole (la tep). C'est le nombre de tonnes de pétrole qu’il faudrait utiliser pour obtenir la même production énergétique, cela permet de fixer les ordres de grandeur relatifs des différents moyens de production. Dans le domaine de l’électricité il est souvent fait référence au TWh c'est-à-dire au milliard de kWh (il faut 1 million de tep pour faire 3,7 TWh). Afin de ne pas trop compliquer cet exposé nous utiliserons principalement le million de tep (Mtep).
La France consomme chaque année de l’ordre de 260 millions de tep et en produit la moitié, essentiellement (à près de 90 %) par l’électronucléaire et l’hydraulique. Cette consommation a tendance à augmenter dans le temps, tirée vers le haut par la démographie avec ses 100 à 200.000 logements créés par an, l’apparition de besoins nouveaux tels les climatisations, le recours généralisé à l’informatique ou encore le souhait légitime de ceux qui ne disposent pas de tous les moyens de confort de les acquérir (machines à laver, congélateurs, etc.). Des efforts sont faits depuis de nombreuses années pour tirer cette consommation vers le bas : chasse aux gaspillages, isolation des habitations, amélioration de l’efficacité énergétique (c'est-à-dire améliorer le rapport entre l'énergie que l'on consomme utilement à celle contenue dans le combustible utilisé). Il faut constater que la consommation énergétique et en particulier électrique augmente au fil des années malgré la chute des utilisations industrielles. Si cette consommation n’est pas une fatalité, il est difficile d’imaginer pouvoir la faire baisser, ce serait déjà un très bon résultat d’arriver à la stabiliser. L’évolution de notre consommation électrique en France (graphe ci-après) en est une illustration.
On remarque une similitude entre l’évolution de la consommation d’énergie électrique et celle de la richesse nationale mesurée par le produit intérieur brut (PIB). Ce dernier s'accroît en moyenne de 1,7% par an ce qui est très proche de l’évolution de la consommation électrique avec pour ces deux courbes le même décrochement transitoire en 2009*. Cette étroite corrélation pose une interrogation : En dehors de la traque aux gaspillages, pourrait-on diminuer la consommation électrique sans que cela impacte négativement notre PIB ? Car si l’énergie ne doit pas être gaspillée, elle n’a pas vocation à être économisée lorsque son utilisation va dans le sens d’une amélioration de la qualité de vie: informatique, électroménager, climatisation, chauffage, piscines etc...
Concernant le chauffage électrique, si on en reste simplement au rendement thermodynamique la comparaison avec le fossile lui est défavorable mais cette énergie électrique à beaucoup d’autres vertus, elle ne pollue pas l’air ce qui est un atout important dans les grandes agglomérations et n’impacte pas négativement notre balance commerciale, il est donc à développer au détriment des chaudières utilisant les fossiles qui sont des énergies importées. Pour l’Uranium il est importé de mines dans lesquels AREVA a une forte participation et ce minerais intervient pour moins de 10% dans le coût du kWh.
Si on ne peut agir sur la croissance du besoin d’électricité, on peut par contre, mener une action pour mieux lisser la consommation en heures de pointe et augmenter les possibilités de stockage par une augmentation du nombre de stations de pompage : les STEP (Station de Transfert d'Énergie par Pompage), il en existe actuellement 6 qui permettent de stocker l’équivalent de 4,9 GW dont la principale Grand Maison à un potentiel de 1 790 MW , Bien que le nombre de sites pouvant les accueillir soit limité, leur nombre semble pouvoir être au moins doublé. C’est le seul moyen actuel de pouvoir stocker en masse l'énergie électrique en heures creuses pour la restituer en heure de pointe.
Les Réseaux
La tendance est de parler de production et bien peu des moyens d’acheminer cette production. Les Allemands en font actuellement la cruelle expérience avec la grande difficulté de pouvoir injecter sur le réseau l’électricité de leurs champs éoliens du Nord vers les besoins qui sont au Sud (La Bavière). Les moyens de production éolien et solaire augmentent fortement d’une année sur l’autre (plusieurs dizaines de GW en quelques années) alors qu’il faut une dizaine d’année pour mettre en place des lignes qui sont, soit raccordées au réseau de transport si la production est importante ou au réseau de distribution pour les faibles puissances. Il existe un fort décalage entre phases administratives et réalisation. Il faut 9 années de procédures administratives pour un à deux ans de travaux pour l’implantation d’une nouvelles ligne.
L’Allemagne vient de prendre conscience du problème posé par les réseaux. Elle veut en accélérer la réalisation par la loi afin de ramener ce délai de 10 ans à 4 ans. En France il existe 250 000 sites de production électrique donc de points d’entrée dans le réseau et il s’en crée 35 000 de plus chaque année. Le problème est moins aigu mais existe aussi sur les réseaux de transport des gaz qui doivent intégrer la méthanisation des déchets ménagers (potentiel estimé à 210 TWh) ou la gazéification à haute température (300 à 400 °C) de la biomasse (100 à 200 TWh). Il existe d’ailleurs un couplage entre les réseaux de transport de l’électricité, du gaz et de la chaleur (méthanisation, cogénération, chaudières hybrides) afin de maintenir un équilibre permanent entre production et consommation, avec les moyens de stockage de l’électricité (les STEP) et ceux du gaz où la France dispose de grands moyens de stockage souterrains (1/3 de la consommation annuelle française). Aujourd’hui pour le gaz la donne est modifiée par l’apparition forte des gaz de «schistes» aux États-Unis où un nombre important de centrales se réalisent au détriment du charbon qui, compte tenu de son prix, retrouve des débouchés en France et en Allemagne, cette dernière remet en service 6 000 MW de centrales au charbon en 2013.
Les Transports
Pour les transports terrestres et surtout aériens, le pétrole est pour longtemps un moyen difficilement contournable. Certes la voiture hybride peut permettre de s’en affranchir quelque peu. Quelques pistes existent comme la récupération de l’énergie de freinage.
La voiture toute électrique, elle, ne pourra vraiment prendre son essor qu’avec une amélioration très significative du moyen de stockage, actuellement la batterie. Il faudra aussi compter sur la vitesse d’implantation des bornes de recharge. Quant à l’hydrogène, il faut le produire de préférence avec de l’électricité pour éviter les rejets de carbone, son coût de production est élevé mais il pourrait bénéficier des disponibilités électriques en heures creuses du nucléaire et des énergies renouvelables dont la production est aléatoire et décentralisée.
Cependant, sa faible densité énergétique nécessite pour son utilisation dans les transports de le stocker sous haute pression (plusieurs centaines de bars) pour pouvoir disposer d’un minimum d’autonomie et son utilisation pose des problèmes de sécurité. L’hydrogène pourrait par contre être injecté à raison de 6 à 7 % dans les réseaux gaz donc utilisé sous cette forme dans des véhicules hybrides.
Le gaz conventionnel a fait une percée remarquable dans les dernières décennies. Bien que les réserves soient supérieures à celles du pétrole, son cours est indexé sur ce dernier donc sur le long terme orienté constamment à la hausse. Quant aux gaz non conventionnels dont les gaz de «schistes» qui ont fait une entrée spectaculaire aux États-Unis, ils restent très controversés en France qui dispose de la deuxième réserve d’Europe (cent années de consommation) après la Pologne. Leur exploitation éventuelle ne doit pas risquer de polluer les nappes phréatiques lors des forages. Toutefois leur fort potentiel économique mérite de ne pas en négliger l’étude.
Si l’énergie peut être captée par des moyens très divers, une politique énergétique doit s’établir par un examen sous plusieurs angles:
· Le coût de production car, de tous les moyens de production, peu sont compétitifs.
· La quantité de gaz carbonique émise liée au problème du réchauffement climatique.
· Le poids sur le commerce extérieur de la France, notion de dépendance énergétique.
· Les inconvénients et les risques inhérents à chaque moyen de production.
· Les conséquences sur l’emploi.
Quelques coûts de production de l’électricité (pour 1 000 kWh)
- Le pétrole, gaz et charbon : de l’ordre de 60 auxquels peut s’ajouter, comme en Suède, une taxe carbone de 20 à 100 par tonne de gaz carbonique émis, ce qui peut amener, à minima, ce coût aux alentours de 80 . Il faut par ailleurs remarquer la forte volatilité des cours du pétrole qui entraîne avec lui celui des autres énergies fossiles carbonées.
- La grande hydraulique entre 20 et 40 . Elle s'amortit sur le long terme.
- Le nucléaire, dont la Cour des Comptes distingue :
· le nucléaire historique c'est-à-dire dont le parc est en partie amorti avec un coût de 39 ,
· du nucléaire à venir (avec l’introduction des EPR) avec un coût de l’ordre de 50 à 60 car il tient compte des exigences toujours à la hausse des autorités de sûreté sur l’ensemble du parc.
Dans ces coûts sont incluses les charges du démantèlement en fin de vie et le coût du stockage des déchets.
- L’éolien terrestre dont le prix de rachat imposé à EDF est de 82 .
- L’éolien marin (offshore) 226 résultats du dernier appel d’offre de l'été 2012.
- Le solaire photovoltaïque dont le prix de rachat par EDF est de 370 , prix de rachat qu'il est envisagé de revoir à la hausse pour soutenir la filière (196 pour les grandes installations industrielles)
Les coûts à la consommation sont évidemment très supérieurs à ces coûts de production car ils incluent outre les frais de transport (8%), de commercialisation et de structure, les trois taxes que sont la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE), la taxe à la consommation (TCFE) et la TVA à 19,6%. Taxes dont le poids total va croissant et représente dès à présent un élément important du coût. L'ensemble des coûts de production est répertorié, par ordre décroissant, dans le tableau ci-après.
Le couplage grande hydraulique-nucléaire, mix adopté par la France et la Suède, conduit aux coûts de l’électricité les
L’électricité produite par l’éolien et le solaire est intéressante quand elle se substitue à des énergies fossiles comme en Allemagne ou au Danemark ou chaque kWh d’origine renouvelable évite le recours à un kWh charbon donc à l’émission de gaz carbonique. En France qui produit très peu d’électricité avec du fossile, seulement lors des pointes que ne peuvent assurer à coup sûr ces énergies qui ont un caractère de production aléatoire, elles ont un intérêt dans des lieux isolés à l’écart des ramifications de la distribution électrique du pays, c’est le cas en particulier des îles : Corse, Martinique, Guadeloupe, Polynésie française où elles peuvent jouer totalement leur rôle en se substituant à des énergies carbonées importées souvent très chères.
Sur le sol métropolitain, en présence d’un réseau cela n’a vraiment de sens que si le kWh produit par ces énergies est consommé sur place. Comment comprendre que l’on envoie sa production vers EDF et que l’on consomme l’électricité venant d’EDF. Ces allers et retours compliquent la gestion des flux et entraînent un surcoût significatif par rapport à un flux unique descendant du producteur, généralement EDF, vers le consommateur. Par ailleurs chaque kWh produit par l’éolien ou le solaire représente un surcoût qui obère la facture du consommateur.
La quantité de gaz carbonique émise
Le solaire, l’éolien et le nucléaire ne rejettent pas de gaz à effet de serre lorsqu’ils sont en fonctionnement. Pour la grande hydraulique le bilan est plus mitigé à cause du dégagement de gaz à effet de serre lié à la présence de matière organique.
Concernant le bois, le bilan peut être considéré comme nul, le dégagement lors de sa combustion étant compensé par son captage lors de sa croissance, à condition que le stock forestier soit conservé.
Le charbon, le pétrole et le gaz sont les plus grands pourvoyeurs de gaz à effet de serre. Le gaz un peu moins au niveau de son utilisation en centrale, mais les fuites au niveau de l’acheminement gomment cet avantage.
La France, compte tenu de l’utilisation massive du nucléaire complétée par l’hydraulique et l’éolien est, avec la Suède et la Suisse, le pays qui rejette le moins de gaz à effet de serre en Europe : De l’ordre de 6 tonnes de gaz carbonique par habitant et par an contre 9 au Danemark et près de 10 en Allemagne.
Ce que la France produit chaque année :
Au total, c’est environ 140 millions de tep dont les ordres de grandeur, par nature, sont les suivants :
• 110 Mtep d’électricité nucléaire
• 14 Mtep d’hydraulique (variable en fonction des conditions climatiques)
• 9 Mtep de Bois -énergie
• 3 Mtep d’éolien
• 2 Mtep biocarburants
• 2 Mtep de gaz conventionnel
• 1 Mtep de tonnes de pétrole
• 0,7 Mtep à partir de déchets
• 0,5 Mtep de solaire photovoltaïque et thermique
La production totale est donc proche de la moitié de la consommation française qui est comprise entre 260 et 270 millions de tep soit une indépendance énergétique de l’ordre de 50 %)
Concernant l’uranium, il faut remarquer que s’il est importé, c’est que son coût d’extraction n’est plus rentable en France compte tenu des fortes réserves mondiales de plus haute concentration. Toutefois, comme il a un faible poids dans le coût du kWh (10%), le prix du kWh nucléaire est peu sensible à l’évolution du coût de l'uranium. La situation est inverse pour le gaz dont le prix du combustible représente l’essentiel du coût du kWh produit (les 2/3).
La France comme la Suède dispose d’une grande hydraulicité qu’ils ont complétée avec du nucléaire.
Ce mix énergétique permet à ces deux pays d’avoir le kWh le moins cher d’Europe, d’être les meilleurs élèves de l’Europe en termes de rejet de CO2 par habitant et de conserver pour l’électricité une totale indépendance en approchant l’autosuffisance. Le reliquat de fossile (9% pour la France, 4% pour la Suède) surtout quand c’est du gaz, permet de passer les pointes de consommation car une centrale à gaz est d’un investissement peu élevé, les trois quart du coût du kWh proviennent du combustible, (il est aujourd’hui très concurrencé par le charbon américain) il n’y a donc que peu d’inconvénients à ce qu’elle soit peu utilisée au cours de l’année, à l’inverse d’un réacteur nucléaire qui correspond à un investissement important et doit donc être utilisé au maximum (plus de 2 000 heures par an, dit fonctionnement en base) pour rentabiliser son investissement. Sur le sol métropolitain, le solaire photovoltaïque et l’éolien, de par leur caractère de production aléatoire ne peuvent se substituer qu’au nucléaire donc sans apporter de gain en terme de rejet de CO2 et pour un coût beaucoup plus élevé du kWh.
Ces énergies renouvelables ont tout leur intérêt dans les îles où elles remplacent avantageusement au plan écologique mais aussi économique (éolien) les combustibles fossiles actuellement utilisés.
Les cas Allemands et Danois sont diamétralement opposés à ceux de la France et la Suède. En Allemagne, tout kWh obtenu avec du fossile, en
particulier par le lignite, combustible très polluant, remplacé par un kWh obtenu par des énergies renouvelables est un gain sur
les rejets de CO2 dans l’atmosphère au prix d’un coût plus élevé du kWh, d’autant que le lignite est présent en quantité dans son sous-sol. S’il remplace un kWh qui a été obtenu avec du gaz c’est aussi la voie vers une meilleure indépendance énergétique. Il en est de même du Danemark.
Chaque pays a donc une stratégie qui lui est propre en fonction des ressources de son sous-sol.
Coût du recours aux renouvelables
Les ménages participent au financement des énergies renouvelables de deux façons :
Par le renchérissement du coût du kWh supporté et répercuté par EDF dans ses factures.
Par une taxe particulière, la CSPE (Contribution au Service Public de l'Électricité), apparaissant au dos de la facture, qui est pour l’essentiel une contribution aux énergies renouvelables et qui croît proportionnellement à la production d’énergie éolienne et solaire.
Elle passe de :
4,5 Milliards d’euros en 2010 à 7,5 Milliards d’euros en 2011, entre 9 et 10,5 milliards d’euros en 2012 et est estimée à 20 Milliards d’euros en 2020 si le programme du Grenelle de l’environnement se poursuit comme prévu.
Que consomme la France chaque année ?
Cette énergie est consommée par le résidentiel tertiaire à 44%, à 31% par les transports et à 23% par l’industrie et l’agriculture.
La route, c'est 40 Mtep dont les 2/3 sont utilisés par les véhicules particuliers et 1/3 par les utilitaires.
Les problèmes posés par l’électronucléaire
Malgré ses qualités reconnues à la fois en termes de rejets de CO2, de coût du kWh, d’indépendance énergétique, d’un savoir faire français qui nous place dans ce secteur au premier rang mondial et est un pourvoyeur d’emploi de haute technologie, le public, sollicité par certains médias, s’interroge toujours sur les risques qui peuvent être associés au développement de l’électronucléaire. Deux sujets reviennent régulièrement : les risques en cas d’accidents et les déchets radioactifs avec leur impact sur les générations futures.
L’accident d’un réacteur
C’est la fonte d’un élément du coeur entraînant un relâchement de radioactivité.
Quelles en sont les conséquences et la probabilité que cet accident survienne ?
Les réacteurs les plus récents ont une double enceinte en béton de plus d’un mètre d’épaisseur afin que la radioactivité ne puisse avoir de conséquence à l’extérieur du site EDF.
Les plus anciens réacteurs ont une seule enceinte mais il est possible de réduire une pression interne qui mettrait en danger cette enceinte à travers un filtre à sable qui piégerait une partie importante de la radioactivité libérée. Les risques à l’extérieur du site seraient très limités, des cachets d’iode pourraient être distribués dans l’éventualité d’une présence d’iode radioactive.
Enfin le risque d’apparition d’un tel accident a été chiffré pour l’ensemble du parc actuel à un accident tous les 2 000 ans, ramené pour le même parc doté du nouveau réacteur EPR à un tous les 20 000 ans !
Les accidents de Tchernobyl et de Fukushima ne doivent pas faire oublier que pour le premier c’était un réacteur instable, sans enceinte de confinement, dont les opérateurs avaient retiré toutes les barres de sécurité, mode opératoire impensable en France, le réacteur en quelques secondes s’est emballé à 100 fois sa puissance nominale.
A Fukushima, réacteurs plus proches des nôtres, mais cependant encore éloignés de nos critères de sûreté, ce n’est pas le tremblement de terre qui les a endommagés, mais bien un tsunami d'un niveau exceptionnel, qui a coupé l’alimentation électrique. Aucun mort dû à la radioactivité n’est à déplorer alors que les effets de la vague ont entraîné la mort d’environ 20 000 personnes. La présence des réacteurs de la centrale a certainement sauvé la vie à nombre d’opérateurs.
Pour la France, qui a fait fonctionner une centaine de réacteurs sur un demi-siècle sans déplorer un seul mort du fait de la radioactivité, les gages de sérieux dans l’exploitation et dans la sûreté intrinsèque des réacteurs n’est plus à démontrer. Il reste à en convaincre le public très mal informé sur ce sujet.
Les déchets radioactifs
Par simplification : Il est possible de distinguer deux grandes catégories de déchets.
Les déchets de faible radioactivité dont la durée de vie est de l’ordre de 300 ans. Des centres de stockage de surface (Le centre Manche puis Soulaines et Morvilliers dans l’Aube) ont été aménagés, ils sont parfaitement gérés.
Les déchets très radioactifs à vie longue sont entreposés à La Hague dans des puits en attente d’un enfouissement profond éventuel (à l’étude dans l’argile sous la commune de Bure). Leur volume est très faible, dix mille fois inférieur à celui des déchets très toxiques de l’industrie : les déchets dits spéciaux, ce qui permettrait, au cas où il y aurait un refus d’enfouissement par les populations riveraines, de continuer à les entreposer en surface comme aujourd’hui.
Dans le cas d’un enfouissement profond dans des lieux inaccessibles, leur niveau de radioactivité rejoindra, en une dizaine de milliers d’années, celui existant à l’origine dans le minerai d’uranium qui a été extrait.
En conclusion
La France dispose sur son sol de très peu de ressources énergétiques. Le seul domaine où elle est autosuffisante et même exportatrice est l’électricité avec un solde exportateur de 56 TWh soit 15 millions de tonnes équivalent pétrole.
Il faut donc privilégier son utilisation au détriment des énergies importées qui ont, en plus, l’inconvénient d’être émettrices de gaz à effet de serre.
Pour produire cette électricité, les énergies renouvelables, vent et solaire, peuvent apporter leur contribution quand elles remplacent ces énergies carbonées, ce qui est le cas dans les lieux qui ne peuvent pas être desservis par le réseau électrique métropolitain comme les îles (Corse, Réunion, Guadeloupe, Martinique, Polynésie etc..). A Tahiti, par exemple le coût de l’électricité pour le consommateur est 4 fois celui de la métropole, le recours à l’éolien a économiquement tout son sens.
Dans le réseau métropolitain qui est non émetteur de gaz à effet de serre, à l’exception des heures de pointe où le recours à des énergies fossiles carbonées charbon, gaz ou pétrole est difficilement remplaçable, le soleil et l’éolien ne peuvent hélas dans ce cas, apporter une contribution sûre de par leur caractère aléatoire.
Hors heures de pointe, leur coût est très élevé par rapport au mix actuel dominé à près de 90% par l’électronucléaire et la grande hydraulique qui comme en Suède permettent d’obtenir les coûts du kWh les plus bas d’Europe.
Pour ce qui concerne le volet transport, le pétrole restera encore longtemps difficilement contournable.
Les gains peuvent venir du développement de la voiture électrique ou hybride, du recours accentué au ferroutage, alors que ce dernier est actuellement en perte de vitesse, des biocarburants de dernière génération ou encore de l’hydrogène si celui-ci n’est pas produit par des énergies carbonées.
Enfin la seule énergie carbonée disponible dans notre sous-sol est constituée par les gaz de «schistes» et nous nous trouvons devant une alternative pour satisfaire aux besoins croissants d’énergie à un coût raisonnable, c’est soit l’exploitation des gaz de «schistes», soit un recours accru à l’électronucléaire.
Pour l’écologiste non dogmatique que je suis, la seconde solution n’est-elle pas, compte tenu de notre expérience et de notre très haut niveau de sûreté, plus acceptable pour l’intégrité de notre environnement ? Toutefois au plan économique,
il faut reconnaitre que le couplage nucléaire-gaz de «schistes» est le plus performant et susceptible de réveiller, avec une énergie bon marché, les investissements industriels dont nous avons tant besoin.
Glossaire
Barre de contrôle, de commande
Tube composé de matériaux absorbant les neutrons, introduit verticalement
au sein d'un réacteur dans le but de moduler sa puissance
Cogénération
Production simultanée de chaleur et d'électricité, ce qui permet d'améliorer le rendement de combustion en valorisant mieux l'énergie dégagée (typiquement, un passage de 40% à 60% de rendement ou plus).
EdF
Electricité de France
EPR
Evolutionary Power Reactor,
Réacteur Evolutionnaire de Puissance
(désignant auparavant l'European Pressurized Reactor,
Réacteur Européen à eau Pressurisée)
ITER
International Thermonuclear Experimental Reactor
PHS
Stations de transfert d'énergie par pompage.
PHS (Pumped-Hydro energy Storage)